ALISSONE PERDRIX























L’exposition n’aura duré qu’une nuit


Lundi soir, 21h, toute une troupe était réunie autour d’un repas pour se rencontrer, échanger autour d’un travail à venir. La mission consistait à sillonner le quartier Jacquard par petit groupe pour y installer les affiches sérigraphiées. Démultiplier les forces pour couvrir un territoire : Jacquard baise tout. 3 équipes se sont formées, avec des périmètres d’intervention précis, un seau de colle, des pinceaux, un rouleau d’affiches. Tellement de bonne humeur, d’enthousiasme, un peu de pression aussi : bien faire déjàet puis ne pas finir chez les flics.
A cet instant précis une intuition se dessine : c’est maintenant que l’exposition à lieu. Elle est à l’apogée de son intensité dans cette émulation, ce bonheur d’être tous ensemble pour la faire exister, pour lui donner une visibilité. A -10°, les doigts gonflés par le froid et la colle à tapisserie, les équipes s’activent tout en s’appliquant. Il faut respecter les niveaux, l’écartement entre les affiches, composer avec les différentes couleurs, les différents motifs. Susse la moi. Le résultat est magique, les fluos vibrent les uns au contact des autres, les assemblages étonnent, détonnent aussi. C’est l’excitation, les groupes se retrouvent, enivrés par le froid, la fatigue, la joie d’avoir été jusqu’au bout. Un dernier verre, quelques photos avant de rentrer, il est 3h du matin, 200 affiches ont été posées.
Mardi, 10h, l’intuition se confirme, l’exposition a bien eu lieu. Elle a même déjà été démontée. 
Merde, effectivement Jacquard baise tout.
Tandis que l’exaltation de la mission collective de la veille se délite, une nouvelle intuition se dessine, les décolleurs étaient au moins aussi bien organisés que nous. Les services de la Mairie ? Probablement, mais pas que. Il y a aussi le commando des mères en colère, formé pour l’occasion. Elles ont pris leur mission très au sérieux, outrées par la grossièreté des propos affichés. J’ai mal à l’anus, la salope. Représenter le réel, en extraire des fragments, les rendre plus visible qu’ils ne l’étaient peut avoir quelque chose de dérangeant. Au final, ces relevés, qu’ils soient dessinés ou photographiques, ne sont que des focus sur des pratiques et des usages de la ville au quotidien. Arracher ces affiches qui ne rejouent rien de plus que ce qui est habituellement dissimulé sous le toit de la cabane pour enfants est un geste paradoxal. Ce qui dérange doit disparaître. Il faut anéantir le plus vite possible toute vibration incontrôlée de la ville.
L’exposition n’aura duré qu’une nuit, il ne reste sur les murs que les traces de colles autour des affiches disparues, halos discrets et fantomatiques.

Alissone Perdrix, 2013.







Observations Carolo-Stéphanoises

A bien des égards Charleroi et Saint-Étienne se rappellent l'une à l'autre.

Film: Charleroi, les enfants jouent

Formellement ce film est la rencontre entre une mémoire de l'enfance, de ses lieux emblématiques, et une réalité contemporaine de mutation des pratiques.

En résidence à Charleroi (Belgique) dans la structure Hotel Charleroi pendant un mois, j'ai sillonnée la ville à la recherche de ses aires de jeux.
Comment dans cette ville, au contexte urbain bien particulier, s’inscrivent ces espaces de jeux génériques, identiques à ceux d’autres villes dont les réalités sont pourtant si différentes?
Mon protocole d’intervention s’est définit au début de mon séjour, induit par une approche sensible et compréhensive de ces espaces, dédiés ou non, aux jeux. Ma proposition s’est construite comme une recherche action, basée sur la découverte de ces lieux et des différentes rencontres que j’ai pu y faire.
Des adultes d'âges différents racontent leurs souvenirs de terrain de jeux. Impossible de faire des généralités, chaque expérience est particulière. Ce travail d’entretien sur la mémoire du jeu permet de dessiner en creux le portrait d’une ville, de son évolution, de ses transformations.
Les enfants jouent, ils sont dans l'agir, ils nous livrent du geste. Ils sont dans les aires de jeu, ils pratiquent les formes que l'on a pensé pour eux, les détournent, les adaptent. Parfois dans les marges, nous les suivons à travers les lieux qu'ils pratiques quotidiennement.
Enfin la fanfare. Elle est un lien entre l'enfance et l'adulte, sa déambulation à travers Charleroi est un nouveau prétexte pour traverser et recharger la ville d'une énergie autre.


Dessins

Une posture de jeu
Un support de jeu
Un contexte qui disparaît
Issus d'un travail de repérage à Charleroi, Saint-Étienne et ailleurs, ces dessins sont des instants de jeux dans l'espace public.


Alissone Perdrix, 2013.